Chapitre 19
— Cette fois, dit Annalina, c’est moi qui parlerai. Compris ?
Elle plissa tellement le front que ses sourcils furent à deux doigts de se toucher. Puis elle se pencha vers Zedd – si près qu’il sentit la délicieuse odeur de saucisse, dans son haleine – et tapota son collier du bout d’un index. Un autre avertissement, mais muet, celui-là.
— Si ça peut te faire plaisir, chère dame, répondit le vieux sorcier, vivante incarnation de l’innocence. Mais sache que mes affabulations visent toujours à servir tes intérêts.
— Et vos fines plaisanteries me ravissent immanquablement l’âme, lâcha Anna avec un sourire forcé.
Zedd jugea l’effet redondant. L’ironie aurait amplement suffi. En matière de joute verbale, il y avait des règles, et cette fichue Dame Abbesse devrait un jour apprendre à ne pas dépasser les bornes.
Le vieil homme cessa de regarder son interlocutrice et s’intéressa de nouveau à l’entrée chichement éclairée de l’auberge. Sis de l’autre côté de la rue, entre deux entrepôts, le sinistre établissement était signalé par une minuscule pancarte qui annonçait sa raison sociale : Le Fief de Jester.
Zedd ignorait le nom de la grande ville où ils étaient entrés bien après la tombée de la nuit. À vrai dire, il s’en fichait, car il aurait volontiers sauté cette étape.
Et au moins choisi une autre auberge, si la décision avait dépendu de lui.
Le Fief de Jester ne tenait visiblement pas à se faire remarquer. Une démarche étonnante pour une affaire commerciale, sauf si ses propriétaires jugeaient préférable de ne pas attirer l’attention des honnêtes gens et des forces de l’ordre. À l’allure des clients que Zedd y avait vu entrer – exclusivement des hommes, du genre mercenaires ou bandits de grand chemin – cette hypothèse devait être la bonne.
— Je n’aime pas ça…, marmonna le vieux sorcier.
— Tout vous déplaît ! lâcha Anna, agacée. Vous êtes l’homme le plus désagréable dont j’ai eu le malheur de croiser le chemin.
— Pourquoi cette animosité ? s’étonna Zedd, sincèrement, pour une fois. On m’a souvent dit que j’étais un excellent compagnon de voyage. Au fait, il nous reste un peu de cette saucisse ?
— Non ! Qu’est-ce qui vous dérange, ce coup-ci ?
Avant de répondre, Zedd s’intéressa au quidam à l’air louche qui regarda plusieurs fois des deux côtés de la rue, hésita, et s’engouffra enfin dans l’auberge.
— Pourquoi Nathan aurait-il choisi un endroit pareil ?
— Pour se restaurer et passer une nuit au chaud. S’il est là-dedans, bien entendu.
— Femme, je t’ai appris à reconnaître le lien magique qui l’unit à mon nuage-espion. Tu sais que Nathan est ici, parce que tu as senti sa présence.
— C’est vrai, reconnut Anna. Et alors que nous l’avons enfin rattrapé, vous faites la fine bouche ?
— Exactement…, grogna Zedd.
La Dame Abbesse se rembrunit, consciente que le vieil homme ne la gratifiait pas d’un caprice de plus.
— Qu’est-ce qui vous inquiète ?
— Regarde la pancarte, gente dame. Juste après le nom…
— Vous voulez parler de ces deux jambes de femmes, si joliment… hum… levées et écartées ?
— Oui.
Anna se retourna et regarda le sorcier comme s’il était soudain frappé de sénilité.
— Zedd, Nathan n’est pas sorti du Palais des Prophètes depuis près de mille ans…
— Et pour cause ! fit le vieil homme en tapotant le Rada’Han qu’Anna lui avait mis autour du cou afin qu’il fasse ses quatre volontés. À mon avis, l’idée de porter de nouveau un collier ne l’enchante pas. Il a dû lui falloir des siècles de préparation pour mettre au point son évasion. Et une patience infinie, parce qu’il fallait encore que la bonne occasion se présente ! À moins qu’il n’ait utilisé ses prophéties pour orienter les événements dans le sens qui l’arrangeait. As-tu pensé à cette inquiétante possibilité, chère Anna ? T’es-tu demandé si Nathan ne nous avait pas tous manipulés ?
» Et tu veux me faire croire qu’il descendrait dans une maison de tolérance alors qu’il sait que tu lui colles aux basques ?
— Zedd, fit Anna, les yeux ronds, vous croyez qu’il a pu influencer le cours de l’histoire pour favoriser son évasion ?
— Je ne crois rien du tout… Mais tout ça ne me plaît pas.
— Tel que je le connais, la perspective d’une nuit de plaisir lui aura fait oublier le danger. Vous savez, il adore les femmes, et…
— Tu le fréquentes depuis plus de neuf siècles, dis-tu ? En quelques heures, j’en ai appris plus long que toi sur lui ! Nathan est un sorcier très doué, et il n’a rien d’un imbécile. Prends garde à ne pas le sous-estimer…
Anna réfléchit un court moment.
— Vous avez raison, il pourrait s’agir d’un piège. Il ne me tuerait pas pour rester libre, mais à part ça, il est capable de tout…
— Tu vois que je ne raconte pas n’importe quoi ! triompha le vieux sorcier.
— Zedd, ce n’est pas un jeu ! Nous devons retrouver Nathan ! Même s’il m’a souvent aidée quand nous avons découvert des prédictions dangereuses, il reste avant tout un Prophète. Ces hommes sont redoutables, y compris quand ils n’ont pas l’intention de nuire. C’est lié à la nature même des prophéties, et…
— Inutile d’enfoncer des portes ouvertes ! coupa le vieil homme. Je sais tout ça.
— Depuis toujours, nous enfermons les Prophètes au palais pour les empêcher de provoquer des catastrophes. Et pour les protéger, même quand ils ne préparent aucun mauvais coup, parce que les gens s’en prennent souvent au messager, quand le message ne leur plaît pas. Comme si connaître la vérité vous en rendait responsable…
» Les prédictions ne sont pas conçues pour les profanes, vous le savez… Un jour, comme nous le faisions parfois, à son insistance, une femme fut autorisée à passer la nuit avec Nathan.
— Tu lui payais des catins ? s’indigna Zedd.
— Nous avions conscience de sa solitude, oui… Je sais que ce n’était pas une solution idéale, mais comment le priver de ce bonheur ? Les Sœurs de la Lumière ont du cœur, vous savez ?
— Je vois ça, oui !
Anna détourna la tête.
— L’enfermer était notre devoir, mais nous avions de la peine pour lui. Après tout, il n’a pas choisi de naître avec un don pour les prédictions.
» Bien entendu, il avait ordre de ne pas parler des prophéties à ses… compagnes. Ce jour-là, il a désobéi, et la femme s’est enfuie du palais en hurlant comme une possédée. Hélas, nous n’avons pas pu la retenir…
» Avant que nous l’ayons retrouvée, elle a répété un peu partout la prophétie. Peu après, une guerre civile a éclaté, faisant des milliers de victimes, y compris des femmes et des enfants…
» Parfois, Nathan semble comme fou, et je me dis qu’il est le déséquilibré mental le plus dangereux que je connaisse. Mais il ne voit pas le monde comme nous, et ça explique beaucoup de choses. Vu à travers le filtre des prophéties qui envahissent son esprit, l’univers doit être terrifiant.
» Quand je l’ai interrogé, il a prétendu n’avoir rien dit à cette femme – ou ne plus s’en souvenir. Beaucoup plus tard, en recoupant une série de prédictions, j’ai découvert qu’un des enfants morts aurait dû un jour régner par la torture et le meurtre. Des dizaines, voire des centaines de milliers d’innocents auraient péri s’il était devenu adulte. Grâce à Nathan, cette Fourche de la prophétie ne s’est pas réalisée. Zedd, j’ignore l’étendue de tout ce que cet homme sait sans vouloir le révéler…
» Dans ce cas, il a agi pour le bien commun. Mais s’il lui prenait l’envie d’accéder au pouvoir, il aurait une bonne chance de régner sur le monde. Et la même chose vaut pour tous ses semblables.
— Et afin d’éviter ça, vous les emprisonnez.
— Exactement.
— Anna, je suis le Premier Sorcier. Si je ne comprenais pas tout ça, je ne serais pas là pour t’aider.
— Merci…, murmura la Dame Abbesse.
Zedd recensa mentalement les possibilités qui s’offraient à eux… et n’en trouva pas beaucoup.
— Si j’ai bien suivi ton discours, dit-il, Nathan est peut-être complètement cinglé. Et même s’il ne l’est pas, il reste mortellement dangereux.
— On peut résumer les choses comme ça… Pourtant, il m’a souvent aidée à épargner des souffrances aux innocents. Voilà des siècles, il m’a parlé de Darken Rahl, et annoncé qu’un sorcier de guerre viendrait au monde pour le combattre. Bien entendu, il s’agissait de Richard… Ensemble, nous nous sommes assurés qu’il grandirait en paix, pour que vous ayez le temps d’en faire un homme bon, juste et dévoué aux autres.
— Pour ça, ma gratitude t’est acquise, dit Zedd. Mais tu m’as affublé d’un collier, et ça m’énerve !
— Je vous comprends… N’allez pas croire que j’adore le faire, ou que j’en sois fière. Mais dans certaines situations, tous les mauvais coups sont permis. Au bout du chemin, les esprits du bien jugeront mes actes et prononceront la sentence requise…
» Dès que nous aurons retrouvé Nathan, je vous rendrai votre liberté. Utiliser la contrainte sur vous me répugne. Hélas, l’enjeu est trop important pour que j’écoute la voix de ma conscience.
Du pouce, Zedd désigna le ciel.
— Je n’aime pas beaucoup ça non plus…
Anna n’eut pas besoin de lever les yeux pour savoir de quoi il parlait.
— Quel rapport y a-t-il entre cette lune rouge et Nathan ? s’étonna-t-elle. C’est un événement étrange, mais où est le lien ?
— Ai-je dit qu’il y en avait un ? Je déteste ça, c’est tout…
Sous un ciel constamment plombé, Anna et Zedd n’avaient pas pu avancer très vite. Ralentis par l’obscurité, ils avaient également eu un mal de chien à localiser le nuage-espion que le sorcier avait connecté à Nathan. Par bonheur, ils étaient vite arrivés assez près de leur proie pour sentir le lien magique. Dans ce cas, voir ou pas le nuage n’avait plus aucune importance.
À présent, ils étaient à moins de cent pas du Prophète. À cette distance, le lien magique affectait le pouvoir de Zedd, d’habitude considérable. Tel un chien lancé sur une piste, sa magie, trop concentrée sur la traque, ne lui permettait plus d’apercevoir autre chose, comme s’il portait des œillères. Et cette forme très particulière de cécité ne faisait rien pour apaiser son malaise.
Il aurait pu briser le lien, évidemment. Mais c’était trop risqué, avant d’avoir coincé Nathan, parce qu’il faudrait un contact physique pour le restaurer.
Ces derniers jours, des chutes de neige les avaient ralentis. Quelques heures plus tôt, les nuages s’étaient enfin éclaircis, chassés par un vent glacial qui avait fini de les épuiser. En approchant de Nathan, ils avaient prié pour que la lune, dans un ciel plus clément, se lève enfin et éclaire leur chemin.
Stupéfaits, ils avaient vu apparaître un astre nocturne rouge sang.
Au début, ils avaient pensé à une bizarrerie atmosphérique tel qu’un brouillard persistant. Quand la lune avait atteint son zénith, ils avaient dû admettre que ce n’était pas le cas. Plus inquiétant encore, avec la couverture nuageuse des nuits précédentes, il ignorait depuis quand l’astre arborait cette couleur rubiconde.
— Zedd, demanda enfin Anna, vous savez ce que ça signifie ?
— Et toi, femme ? Après une si longue vie – en tout cas, bien plus longue que la mienne – tu devrais avoir ta petite idée.
— Devant de telles manifestations, je m’en remets volontiers à la science d’un sorcier du Premier Ordre.
— Tiens, je ne suis plus un vieux grincheux, tout d’un coup ?
— Zedd, arrêtez ça cinq minutes !
— Je n’ai jamais vu de lune rouge, mais je me souviens d’une référence, dans un texte qui remonte à l’époque de l’Antique Guerre. On n’y donnait pas de précision sur le sens de ce phénomène, sinon qu’il est très alarmant.
Zedd recula dans l’ombre du bâtiment où ils se cachaient et fit signe à Anna de l’imiter.
— Dans la Forteresse du Sorcier, continua-t-il, on trouve des bibliothèques au moins aussi grandes que celles de tes catacombes, au Palais des Prophètes. Et elles regorgent de grimoires truffés de prédictions.
Certains de ces ouvrages, jugés trop dangereux, étaient conservés derrière les champs de force qui défendaient l’entrée de l’enclave privée du Premier Sorcier. Du temps de la jeunesse de Zedd, ses vieux mentors n’avaient pas le droit de consulter ces textes. Devenu Premier Sorcier, il n’avait pas eu les tripes de les lire tous, car les plus anodins lui avaient déjà valu d’atroces cauchemars.
— Il y a tant de livres, dans la Forteresse, que je n’ai même pas pu poser les yeux sur tous leurs titres. Chaque bibliothèque était gérée par plusieurs conservateurs, qui se répartissaient les rangées d’étagères. Il y a des lustres, bien avant mon époque, on les réunissait dès qu’une question exigeait une réponse. Tous connaissaient « leurs » livres sur le bout des doigts. En somme, ils servaient de thesaurus vivant.
» Dans ma jeunesse, il n’en restait que deux. Sorciers ou pas, comment auraient-ils pu recenser une telle quantité de connaissances ? Si ces ouvrages regorgent d’informations, localiser celles qu’on cherche est un défi, même lorsqu’on contrôle la magie.
» C’est un peu comme mourir de soif dans l’océan. Ou vouloir trouver un grain de sable particulier dans un désert… Pendant ma formation, on m’a appris à dénicher les principaux ouvrages d’histoire, les livres de sorts et les recueils de prophéties. Et je me suis limité à ces références…
— La lune rouge ! coupa Anna. Qu’en dit-on dans vos archives ?
— Je me souviens d’un seul petit texte, très énigmatique. J’aurais dû approfondir le sujet, mais je n’ai pas eu le temps, parce que ce livre traitait aussi de problèmes plus immédiats et…
— Que disait ce texte ? s’impatienta Anna.
— Si ma mémoire ne me trompe pas – et je n’en mettrais pas ma main au feu – il était question d’une faille entre les mondes. Si elle devait advenir, une lune rouge l’annoncerait. Trois nuits de suite, si je me souviens bien.
— Trois nuits…, répéta Anna. Avec les nuages de ces derniers temps, nous en sommes peut-être déjà à la dernière. Si le ciel ne s’était pas éclairci, nous n’aurions pas vu le signe.
Le front plissé de concentration, Zedd tenta de puiser davantage d’informations dans sa mémoire.
— Non… Celui à qui s’adresse l’avertissement est censé le voir dans tous les cas… et les trois nuits de suite…
— Quelle est la signification de cet oracle ? demanda Anna. Je ne vois pas de quelle « faille » il peut être question.
— Moi non plus, avoua le vieux sorcier. Quand Darken Rahl a ouvert les boîtes d’Orden, il n’y a pas eu de lune rouge. Et pas davantage lorsque la Pierre des Larmes est passée dans notre monde. Ni quand le Gardien a failli traverser le voile…
— Vous mélangez peut-être deux textes, avança Anna. L’un parlait de la faille, et l’autre de la lune rouge.
— C’est possible… Mais je me souviens très bien de ce que j’ai pensé à l’époque : « Grave l’image d’une lune rouge dans ton esprit, et si tu en vois une, un jour, sache que le danger est proche, et cherche immédiatement à en savoir plus sur ce phénomène. »
Avec une compassion dont elle n’avait jamais fait montre jusque-là, Anna posa une main sur le bras du vieux sorcier.
— Zedd, nous capturerons le Prophète ce soir, j’en suis sûre. Dès que ce sera fait, je vous retirerai le Rada’Han et vous filerez en Aydindril consulter vos archives. En fait, nous irons tous ensemble. Nathan mesurera le péril, et il acceptera sans doute de nous aider.
Furieux que cette femme ait prétendu le contraindre à agir, Zedd avait pourtant vite compris qu’elle était vraiment effrayée par l’évasion de Nathan. Ayant conscience qu’elle avait besoin de son aide, il sentait parfois faiblir son indignation – une réaction qui l’amenait à se demander s’il ne se ramollissait pas avec l’âge.
Cela dit, Anna avait raison. Si Nathan répandait ses prophéties aux quatre vents, les conséquences seraient tragiques. Depuis sa plus tendre enfance, on lui avait rabâché de se méfier des prédictions.
— L’échange semble équitable… Je t’aide à récupérer le Prophète, et tu le convaincs de travailler avec nous sur la lune rouge.
— Marché conclu ! s’exclama Anna. Désormais, nous collaborerons de notre plein gré. J’avoue que ça m’est beaucoup plus agréable.
— Vraiment ? Dans ce cas, pourquoi ne pas m’enlever ce maudit collier ?
— Je le ferai… quand nous aurons capturé Nathan.
— Femme, ce Prophète t’est plus cher que tu veux l’admettre !
— Eh bien… Peut-être, oui… Voilà des siècles que nous travaillons ensemble. C’est le roi des casse-pieds, mais son cœur reste plein de noblesse. (Anna détourna la tête – trop lentement pour que Zedd ne la voie pas écraser une larme sur sa joue.) Oui, je tiens beaucoup à cet incorrigible enquiquineur ! Parce que c’est un homme merveilleux…
Zedd jeta un nouveau coup d’œil à l’auberge.
— Je déteste toujours ça…, marmonna-t-il. Quelque chose cloche, et je ne sais pas quoi.
— Qu’allons-nous faire ? demanda Anna d’une petite voix.
— Tu ne voulais pas te charger de tout ?
— Zedd, vous m’avez convaincue que la prudence s’imposait Quel plan proposez-vous ?
— J’entre seul et je demande une chambre. Si j’arrive à coincer Nathan, je le neutraliserai. S’il sort avant moi, pour une raison ou une autre, tu t’occuperas de lui.
— Nathan est un sorcier. Son pouvoir dépasse de beaucoup le mien, sauf quand il porte un Rada’Han.
Le vieux sorcier réfléchit quelques instants. Ils ne pouvaient pas courir le risque de laisser filer le Prophète – surtout s’il blessait Anna au passage.
Et même s’il ne lui faisait rien, continuer la traque prendrait trop de temps, avec l’urgence de la lune rouge.
— Tu as raison, dit enfin Zedd. Je vais tisser une Toile de Sorcier devant la porte. S’il sort avant moi, il s’y empêtrera, et tu pourras lui mettre ton foutu collier autour du cou.
— Excellente idée… Quelle sorte de Toile utiliserez-vous ?
— Tu as dit toi-même qu’échouer est hors de question… Fichtre et foutre, je n’aurais jamais cru faire un truc pareil ! Donne-moi le collier de Nathan !
Anna glissa une main sous son manteau, ouvrit la bourse qu’elle portait à la ceinture et en sortit un Rada’Han qui brilla sinistrement à la lueur de la lune rouge.
— C’est vraiment le sien ? demanda Zedd.
— Oui, et il l’a porté pendant près de mille ans.
Le vieux sorcier saisit le détestable objet et laissa son pouvoir s’y déverser. Mélange de Magie Additive et Soustractive, cet artefact le fascinait… et le répugnait.
— Voilà, dit-il en rendant le collier à Anna, le sort est verrouillé à ton instrument de torture.
— Quel genre de sort ? demanda la Dame Abbesse, soupçonneuse.
— Une Toile de Lumière. Si Nathan sort de l’auberge avant moi, tu auras vingt secondes pour lui mettre le Rada’Han autour du cou. Après, le sort s’activera.
Si Anna n’agissait pas dans le délai imparti, Nathan serait carbonisé. Sans le collier, il mourrait. Avec, il redeviendrait un prisonnier condamné à perpétuité.
Un étau imparable !
Et pas de quoi être très fier de moi, pensa Zedd.
— Et si quelqu’un d’autre sort ? demanda Anna.
— J’ai lié la Toile au nuage-espion. Elle reconnaîtra sa cible, sans risque d’erreur. (Le vieux sorcier baissa la voix.) Si tu ne t’assures pas de Nathan, il brûlera, et tous ceux qui auront le malheur d’être près de lui seront blessés ou tués. En cas d’échec, ne reste surtout pas à ses côtés, c’est compris ? S’il préfère la mort à la servitude, ne le laisse pas t’entraîner dans le néant…